En février 2024, j’ai révisé « Viviane » que j’avais composé en 1991, et je lui ai adjoint deux autres pièces (« Merlin » et « Rivage »). Deux pièces conçues en 1992 pour aller avec « Viviane » et former la « Suite Bretagne ». Deux pièces que j’ai gardé en réserve pendant des années.
En mars 2024, pour compléter et achever cette suite, j’ai reconverti un ancien tango en « roches du Diable » et j’ai composé une cinquième pièce : « Le pont de Sein ». Le pont de Sein est un long chapelet de roches qui, de l’île de Sein, mène au phare d’Armen. Cette dernière composition termine la « Suite Bretagne », suite que j’ai mis 32 ans à achever.
La « Suite Bretagne » raconte l’histoire d’un franchissement. Le passage d’une rive à une autre, une sorte d’initiation. Pour être plus précis, cette suite raconte le passage de l’imaginaire au réel et du réel à l’imaginaire, deux territoires qui se partagent mes pérégrinations quotidiennes de musicien.
Suite Bretagne, opus 29
Rivage
Le rivage est une lisière entre deux mondes. D’une part le monde terrestre, aérien, conscient, charnel, solaire. Et, d’autre part, un monde intérieur, celui régit par la Lune, où s’épanouissent l’inconscient et les saisissantes images du rêve.
Au delà de la mer, il y a forcement une autre rive, un autre monde. Si vous regardez vers l’autre rive, vous vous apprêtez au changement, à passer un cap.
Le rivage est un monde où les sons sont rythmés, organisés, par d’autres cycles que ceux qui régissent les terres.
Un éventuel pont peut réunifier ce que la mer, ou le fleuve, a divisé. Ce sera l’objet de la dernière pièce de cette suite.
Viviane
La fée Viviane, ou « Dame du Lac », est un personnage mythique des légendes arthuriennes. C’est elle qui donne l’épée Excalibur au roi Arthur, c’est elle guide le roi mourant vers Avalon. Avalon est appelée « l’île Fortunée », parce que ses campagnes fertiles n’ont pas besoin d’être sillonnées par le soc du laboureur ; sans culture, l’île produit de fécondes moissons. On y vit plus de cent ans. Cette île mythique, ce paradis caché, est évoquée dans « Viviane », à partir de la mesure 9.
Merlin
Dans le cycle arthurien, Merlin prédit le cours des batailles, il influe sur leur déroulement et entraîne la quête du Graal. Homme sauvage, proche du monde animal, Merlin se retire régulièrement en forêt. Dans ses vieux jours, Merlin tombe amoureux de la fée Viviane, à laquelle il enseigne ses secrets de magicien. Merlin sait que Viviane va l’enfermer dans une prison d’air, en usant de l’un des sortilèges qu’il lui a enseigné. Merlin consent et se laisse enfermer pour toujours par celle qu’il aime éperdument.
Les roches du Diable
Le lit de la rivière Ellé, au sortir de gorges profondes, se transforme en un chaos rocheux impressionnant. En hiver, les eaux tumultueuses de la rivière dévalent la pente en se faufilant entre d’énormes blocs rocheux, donnant naissance à des rapides et des tourbillons. Sur la rive gauche, d’énormes rochers, les « roches du Diable », surplombent le site de façon spectaculaire. Quand le soleil se glisse entre les hauts feuillages qui bordent les rives, la lumière chatoie sur le granite qui lui-même chante au contact vif d’une eau lancée à pleine vitesse.
Le pont de Sein
Sein est un véritable radeau de roches et de sable, posé à plat sur l’océan, à huit kilomètres à l’ouest de cet énorme cap granitique bien connu des touristes, la pointe du Raz.
Séparée du continent par le Raz de Sein, et du grand large par l’éperon sous-marin de la Chaussée d’Armen. Cette île est comme le pivot d’une gigantesque hélice aux pales infernales. Dès la fin d’octobre, la terrible ronde commence, transformant bientôt la mer en un immense tourbillon d’écume.
Au-delà de Sein, à l’ouest de l’île, les roches de la chaussée sous-marine, vestiges d’un continent disparu, forment, sur quinze milles, leur chapelet maudit, constitué du « Pont de Sein », puis de la « Basse froide ». Là, à l’est de la « Basse froide », brille le phare d’Armen.